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Vous êtes-vous déjà retrouvé à une réunion particulièrement barbante ? Au cours de laquelle vous aviez le sentiment de gaspiller votre vie ? Et qui vous a fait douter de votre intérêt pour votre poste et de votre avenir dans ce métier ?

Un exemple historique

Le 18 juillet 1806, Napoléon, Empereur des Français, assistait à une réunion du Conseil d’Etat à laquelle il s’efforçait d’aller très régulièrement, lorsqu’il n’était pas en campagne. L’ordre du jour sur lequel il souhaitait prendre des notes est outrageusement griffonné, raturé, maculé d’une énorme tache d’encre. L’Empereur s’est amusé à écrire son prénom avec différents caractères, modifiant une lettre pour mettre en évidence son ascendance « léonine » : NAPOLION. On le devine profondément ennuyé, incapable de se concentrer sur ces débats, plusieurs heures durant, s’évadant ainsi en esprit pour remettre un brin de plaisir à ces instants bien mornes.

Tout au long de sa vie, on ne peut nier à Napoléon d’avoir trouvé un sens à son action d’ensemble : la centralisation du pouvoir, l’ordonnancement de l’Europe selon ses desseins, l’administration efficace du pays, l’enrichissement collectif, l’ambition personnelle … Néanmoins, en dépit de son immense pouvoir, il ne pouvait visiblement pas se soustraire à des tâches qu’il n’appréciait pas, mais qu’il jugeait nécessaire.

La dichotomie des moments

Quel que soit notre engagement au travail, il y aura toujours des parties du travail qui nous plairont moins, et parfois pas du tout. Est-ce un signe que nous perdons notre vie ? Que nous devrions changer de travail et découvrir notre vocation profonde ?

Bien évidemment, non. Le sens au travail est une entité holistique. Il est la raison pour laquelle nous travaillons, la finalité que nous reconnaissons comme bonne dans notre vision du monde et qui nous fait admettre que nous servons une cause utile.

Au cours de mes tâches bénévoles au sein de l’AX (Association des anciens Polytechniciens), j’entends souvent des camarades qui témoignent de leur ennui au travail et demandent des conseils à ce sujet. Doivent-ils changer de poste, d’entreprise, de métier ? Ce sont pourtant des beaux postes, à responsabilité et remplis de sens, en autonomie et pour lesquels ils possèdent les compétences, bref tous les critères suffisants à la motivation, selon Daniel Pink.

Les motifs d’engagement

Cependant l’être humain est complexe. Une heure d’ennui peut faire oublier des jours d’éclate et occulter la finalité que l’on souhaite atteindre.

Il y a globalement deux motifs principaux d’être engagés au travail :

  • tout d’abord, le plaisir qu’on peut connaître dans l’exécution de la tâche. Ainsi un commercial qui aime le contact client appréciera les moments d’interaction et vivra peut-être plus difficilement les tâches administratives ou les reportings qui s’ensuivent.
  • Ensuite, l’ambition cachée derrière l’action : ambition personnelle (j’aurai une promotion, une augmentation ou une prime si j’atteins les résultats souhaités) ou ambition désintéressée, au service d’une cause ou en recherche d’utilité conscientisée. C’est bien cette ambition qui incitait Napoléon à assister à ces séances de Conseil d’Etat rasoir.

Le rôle des entreprises

Dans tous les cas, la structure a un rôle à jouer pour encourager l’engagement de ses salariés. Et ce rôle commence toujours par la connaissance approfondie du collaborateur. Ainsi, l’identification des tâches appréciées ou détestées par le collaborateur fait partie des outils du manager, afin de lui confier assez régulièrement des travaux qui le stimulent, plutôt que ceux qui le rebutent (même si de temps en temps, il faudra aussi qu’il s’y colle). Il convient également que l’entreprise s’intéresse aux valeurs, c’est-à-dire au sens et aux espoirs que le collaborateur place dans ses actions, de manière à communiquer le sens de ses objectifs et s’attache à satisfaire les ambitions de son personnel.

Il existe des outils pour cela, en particulier des tests de personnalité ou des enquêtes de motivation, et des rituels de rencontres qui permettent d’approfondir la connaissance mutuelle, par exemple l’entretien annuel ou l’entretien professionnel (prévu tous les 2 ans). La difficulté pour les managers est de décliner toutes ces informations au quotidien, ils n’ont souvent pas le temps ni le recul nécessaire pour agir sur la journée de travail du collaborateur. Les Ressources Humaines peuvent les aider, lorsqu’elles disposent des dossiers de gestion de compétences, malheureusement trop limités à des notions de savoir-faire et non de valeurs.

Vaincre l’ennui des salariés n’est pas une mince affaire. Cela semble cependant constituer l’incontournable défi du siècle à venir, parce que la révolution qui a précédé l’ère de Napoléon, avec ses promesses de liberté d’action et de bonheur populaire, a été refoulée des lieux de travail et de leur organisation concurrentielle et stressante. D’où ce sentiment de souffrance et de contrainte au travail qui disparaît lorsqu’on a trouvé ses motivation.